Par Frédéric Jésu

Mais où es-tu niché, vil et sournois virus,

pour nous faire ainsi jouer à la roulette russe ?

Interdits de sortir et d’errer tant et plus :

sèmerions-nous la mort en cueillant des crocus ?

Nous aimions tant jadis nous serrer dans les bras

mais les « gestes barrière » font barrière à cela.

Jadis c’est pire qu’hier et je ne me souviens pas

de quand je fus touché pour la dernière fois.

Nez collé au carreau face à la rue déserte,

les enfants s’interrogent et se grattent la tête :

papa-maman, mais ni copains, maîtresse ou maître,

seulement des devoirs venant par internet.

Amis et famille éparpillo-confinés,

vivant seuls au motif de solidarité,

considérant les foules avec hostilité,

il nous faut imprimer des baisers en 3D.

Les petits tout en haut pour une fois exposés

– mais bien plus au danger qu’à la notoriété –

prennent bien soin de nous – nous nourrir, nous soigner –

qui les avions en bas si longtemps « confinés ».

S’affranchir des radios, de leur glossolalie,

pour écouter plutôt la voix de nos amis.

Jamais la vie sociale n’eût autant d’alibis :

à distance on se parle, demain n’a pas de prix.

Covid : FPP2. Capote pour HIV.

Sida : sortez couverts ! Mais Corona : masqués.

« Coupable est le malade », balbutie le Préfet.

Je veux bien me cacher, oui mais pas me coucher.

Ce samedi me dit : rien qui vaille, rien du tout.

La peur, agent qui rôde (calendrier au cou),

Cette peur nous tenaille sans arracher de clous.

Dix manches sous l’évier : mais quel jour sommes-nous ?

Il n’y a plus d’ailleurs, à peine un nulle part.

Un papillon se pose sur WhatsApp au hasard

et sans attestation, pas même dérogatoire,

s’en va papillonner tant qu’il n’est pas trop tard.

Toutes griffes dedans, en son zoo confiné,

le tigre de New-York, dûment contaminé,

rugissant mais toussant et donc un peu vexé

clame que pangolin il n’ira pas croquer.

Contemplant le désastre, vieux chat suit ses moustaches

et part au fond des bois mourir non sans panache.

L’humanité soupire, aspire à la relâche ;

variola vaccini : le salut vient des vaches !

Fais-pas ci, fais-pas ça, allez : lave toi les mains !

Ecoute bien les docteurs, c’est eux les plus malins !

Reste seul dans ton coin puisque c’est pour ton bien !

J’en ai marre, chers voisins, qu’on nous traite en gamins !

De chien, de force, de deuil : vive le télétravail !

Des syndicats « maison » : dès lors, plus de pagaille.

Les conjoints, les enfants : cibles des représailles.

Chacun se sent patron mais peut muter bétail…

Sainte « distance sociale » : on connait la musique…

Si seulement le virus n’était qu’informatique,

on jetterait les écrans dans un grand sac plastique

en dansant sous la lune : ambiance sabbatique.

[à suivre]